Photo souvenir du corps avant opération pour un cancer du sein

Aujourd’hui est un jour un peu particulier, nous sommes dimanche, normalement je ne travaille pas le dimanche, sauf… Quand l’urgence est là, quand il faut le faire, quand je ne me pose même pas la question.

Aujourd’hui, je reçois N, je ne la connais pas, je ne connais que sa voix, elle est douce sa voix, je sais que dans la semaine qui vient, elle sera opérée pour un cancer du sein. J’ai entendu son besoin au téléphone, garder une image de ce corps avant l’opération. Je suis touchée, je suis concernée, je suis émue. Le cancer je connais, mon arbre généalogique est rempli de femmes mortes trop jeunes, à la cinquantaine, emportées par le crabe, je suis suivie chaque année, pour réagir vite si je suis concernée à mon tour.

Je ne sais pas comment va se passer la séance, mais on ne le sait jamais en fait, je veux que N soit bien, je veux m’occuper d’elle, je veux la cocooner, je veux qu’elle s’approprie ce corps qu’elle commençait à accepter et qui va encore une fois lui jouer des tours.

Elle est un peu inquiète, je le suis aussi, je veux tellement que ce moment soit entièrement pour elle.

j’essaye de réfléchir, à la lumière, aux poses, à la progression de la séance, mais en même temps je sais que cela va se mettre en place, naturellement.

La séance n’est pas faite, je ne publierai pas de photo ce n’est pas le but, c’est juste que je veux que N sache si elle lit ce post dans quelques jours, à quel point je me prépare pour elle, à quel point c’est important pour moi.

Je ne suis pas Photo-thérapeute, je suis photographe, je n’ai pas été formée pour soigner, je trouve très dangereux de se revendiquer ainsi, certains et certaines le font après quelques heures prodiguées par ? des médecins ? des spécialistes ? Non des autoproclamés le plus souvent, où des personnes ayant suivi eux-même un pseudo cursus qui donnerait semble-t-il une légitimité. Non je ne suis pas Photo-thérapeute.

Je suis photographe avant tout, et je suis une femme avec un coeur gros comme ça, alors j’entends la souffrance, j’entends la difficulté de se regarder, j’entends la peur du corps et du visage qui changent soit à cause du temps qui passe, soit à cause de la maladie ou des épreuves. Tout cela raisonne en moi et je sais à quel point la fait de s’accepter, le fait de faire la paix avec nous-mêmes et ce corps qui nous permet de vivre permet d’être vu différemment par les autres. Lorsque que l’on accepte ce que l’on est, avec les marques du temps, les défauts qui font que nous sommes uniques et nos cicatrices, on renvoie une vraie onde positive que les autres ne peuvent que recevoir.

N, je te donne ma force, je te donne ma bienveillance, je vais faire en sorte que tu te souviennes de ce moment comme un moment positif dans cette semaine qui sera forcément compliquée.